Abou El Kacem Chebbi

En parallèle à ses études, Chebbi fréquente la bibliothèque de la Khaldouniya, société savante fondée en 1896, et le Club littéraire des anciens du Collège Sadiki qui le familiarisent avec le romantisme européen (Goethe, Lamartine, Ossian, Vigny) à travers les traductions arabes, avec Taha Hussein, Jabran Khalil Jabran… C’est dans ce milieu bouillonnant qu’il se lie d’amitié avec de jeunes intellectuels bilingues, modernistes, réformateurs, prompt défenseurs du nationalisme, tels que le syndicaliste Mohamed Ali, Tahar Haddad, Mohamed Helioui, Zine el-Abidine Senoussi, Othman Kaâk, Mustapha Khraïef…
Chebbi aligne des rimes depuis l’âge de 14 ans, chantant l’amour et la nature. Un été à Ras-Jebel lui inspire en 1924 le poème Ô Amour :
Amour tu es la cause profonde de mon épreuve,
De mes soucis, de mon émoi, de mes peines…
Amour, tu es le secret de mon existence, de ma vie,
De ma dignité, de ma fierté.
Son unique recueil Aghani el-Hayet (Les chants de la vie, Odes à la vie ou Cantines à la vie selon les traductions), qui rassemble l’ensemble de sa production et qu’il n’a pas pu publier de son vivant faute de moyens – il ne paraîtra qu’en 1955 –, célèbre l’amour de la vie, la liberté, avec une sensibilité et une rythmique inégalables, et dénonce la tyrannie, la guerre, l’injustice. "Sans avoir jamais parlé de colonialisme, il est devenu le symbole de la libération des peuples" souligne le professeur d’arabe à la Sorbonne, Ameur Ghédira.